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Article publié le 19 mai 2016.

Procédure d’alerte Nuit Debout - CHSCT d’urgence à la DDPP 75

Rappel des faits et de l’action de la Cgt

Le directeur, sur la base de consignes écrites du Préfet de Police non communiquées au personnel et aux organisations syndicales, exige de l’ensemble des agents affectés à l’alimentaire (commerce, distribution, restauration) des interventions de contrôle de vente à la sauvette dans le cadre du rassemblement de citoyens « Nuit Debout ».

Ces opérations sont présentées comme une « lutte contre les ventes à la sauvette pour limiter les nuisances des professionnels et des riverains ». Les notions de lutte « contre la concurrence déloyale envers les commerces fixes », contre les « risques sanitaires liés à la consommation de produits alimentaires vendus par des structures mobiles et non conformes aux règles en vigueur », contre les « pratiques déloyales du Code de Commerce » sont également évoquées dans une note du 4 mai diffusée au personnel le 11 mai pour associer les agents non policiers de la DDPP à une opération de maintien de l’ordre .

Ces « contrôles » s’opèrent le vendredi et le samedi soir en soirée de 19 heures 30 à 22 heures. Ils s’effectuent pour l’instant sur la base du volontariat. Ces demandes hiérarchiques ont d’abord été accompagnées de commentaires oraux pressants « il nous faut des volontaires, sinon on procédera par désignation. De toutes façons tout le monde y passera », puis d’une demande écrite par un commissaire de police en poste à la DDPP 75 en date du 2 mai pour une intervention la veille de l’Ascension le 4 mai sur ces mêmes horaires.

Des interventions ont déjà eu lieu les 22 et 23 avril, ainsi que les 29 et 30 avril, alors même que des violences urbaines avaient déjà éclaté.

A la demande de la section syndicale, le syndicat national CGT CCRF a interpellé le Préfet de Police et la Directrice Générale par lettre ouverte le 29 avril, sur ce dévoiement des missions de service public.

Un représentant du personnel CGT au CHSCT a déposé le 4 mai une procédure d’alerte pour risque grave et imminent dans le cadre de l’article 5-7 du décret 82-453, et rempli le registre spécial à cet effet. Le directeur estime pour sa part que la sécurité des personnels non policiers est assurée, puisque les agents sont accompagnés des policiers affectés à la DDPP de Paris et d’agents de la Direction de l’Ordre Public et de la Circulation (DOPC). Pour la CGT, les agents non policiers qui participent à ce type d’intervention d’éradication de vente à la sauvette sont dans une situation de danger grave et imminent et peuvent estimer qu’ils courent un risque raisonnablement prévisible légitimant l’utilisation du droit de retrait.

Le CHSCT d’urgence du 12 mai 2015 à 16 heures 30

Une réunion tardive

Les mandatés CGT au CHSCT ont demandé au directeur par courriel du 10 mai à 13 heures 40 la tenue d’un CHSCT en urgence. Celui-ci aurait dû obligatoirement se tenir dans les 24 heures, conformément aux dispositions de l’article 5-7 du décret 82-453. Un message de relance lui a été adressé le 11 mai à 14 heures 59 réaffirmant notre désaccord sur ces contrôles et demandant expressément l’invitation de l’Inspecteur Santé et Sécurité au Travail (ISST) et de l’Inspection du Travail. Cette réunion s’est tenue le 12 mai à 16 heures 30, soit plus de 24 heures après notre demande.
L’inspecteur du Travail territorialement compétent, Mme Françoise Rambaud, en poste à la Direccte a participé à cette réunion, ainsi que le médecin de prévention de la Préfecture de Police. Aucun ISST n’était présent.

Contenu des débats

Position du Directeur/Président du CHSCT. Il a maintenu et développé le contenu de sa note du 4 mai.. Il s’agit de « contrôles habituels, normaux, classiques. Toutes les précautions ont été prises. Les forces de Police sont présentes dans les rues adjacentes autour de la Place de la République où ont lieu les contrôles des vendeurs à la sauvette et assurent pleinement la sécurité des agents de la DDPP ». « Les agents ne courent pas plus de risques à faire ce type de contrôles qu’en traversant la rue ».

Les fonctionnaires de Police blessés ces dernières semaines apprécieraient certainement.

Position et problèmes exposés par la Cgt

La DDPP 75 est la seule en France à être placée sous l’autorité du Préfet de Police et ce de manière dérogatoire. Cette situation est à l’origine des difficultés actuelles et des risques que l’on fait prendre aux agents non policiers.

Nous avons évoqué la nature et le calendrier des violences urbaines intervenues autour des manifestations « Nuit Debout », dont ont été victimes à Paris les forces de police : jets de pavés, de boules de pétanque, de bouteilles et de divers projectiles, dégradation de mobilier urbain. Ces violences se sont produites les 9, 28 et 29 avril sur les boulevard Beaumarchais, Magenta….Le 1er mai à 21 heures 40 sur et autour de la Place de la République. En conséquence le fait d’intervenir avec des policiers ne garantit pas la sécurité des interventions des agents de la DDPP, puisque ceux-ci ont été eux-mêmes victimes d’actes graves (traumatisme crânien…). Ils manifestent d’ailleurs le 18 mai.

Sur le cadre juridique : L’article 446-1 du Code Pénal vise exclusivement la vente à la sauvette, délit de la compétence exclusive des officiers de police, ce qui est applicable au cas d’espèce.

L’article L. 442-8 du Code de Commerce vise le paracommercialisme : utilisation irrégulière du domaine public pour des actes de commerce. Il s’agit de simple contravention de 5ème classe. Les pouvoirs et les suites sont très différents. Le glissement de l’un vers l’autre pourrait s’analyser comme un détournement de procédure.

Dans la mesure où il existe un texte spécifique sur les ventes à la sauvette (texte pénal), c’est celui-ci qui doit s’appliquer. Le reste n’est qu’approximation juridique : concurrence déloyale : code civil ; paracommercialisme = pratique déloyale : Non
La procédure d’alerte déposée par la CGT n’a pu être étendue aux 28 fonctionnaires de police affectés à la DDPP. En effet depuis les attentats de janvier 2015, ils assurent en sus de leur contrôle d’hygiène auprès des commerces de restauration et alimentaires, la sécurité et la garde armée du bâtiment, ce qui correspond à une tâche policière. Leur statut de policiers les exclut de fait du droit de retrait.

Cependant aucun des personnels de la DDPP ne devrait être contraint d’opérer ce type de contrôles. La présence de fonctionnaires de Police Nationale dans les effectifs de la DDPP ne doit pas avoir pour conséquence d’augmenter les sujétions des personnels non policiers, en particulier CCRF, qui sont fortement sollicités pour ces opérations.

Puisque le directeur prétend qu’il s’agit d’un travail effectué dans des conditions normales, dans le cadre des procédures habituelles du Code de Commerce, nous lui avons demandé le nombre de procédures établies, de consignations réalisées et de PV de consignation transmis au Parquet dans les 5 jours. Nous n’avons pas eu de réponse.

Notre analyse est que nous sommes dans un processus d’intimidation tant à l’égard des vendeurs à la sauvette que du personnel de la DDPP, avec en sus du travail hors heure, annoncé deux jours à l’avance et des risques pour l’intégrité physique des agents liés au renouvellement possible d’affrontements avec les Forces de l’Ordre autour de la Place de la République. Cette intégration du personnel non policier à des opérations de maintien de l’ordre, sur demande expresse du Préfet de Police est une conséquence directe du rattachement dérogatoire de la DDPP 75 à la Préfecture de Police !

Dans sa note du 4 mai, le directeur annonce la poursuite de ces opérations. Celle du 4 mai pour laquelle la Cgt a déposé une procédure d’alerte, n’a été réalisée qu’avec du personnel policier. Il annonce qu’il veut poursuivre ces opérations, en intégrant l’ensemble du personnel contre les ventes à la sauvette.

Lors de la création de la DDPP en 2010, le personnel CCRF avait été associé à des interventions policières pour chasser le marché de la misère sur les puces de Montreuil (interventions des 31 mai, 3 et 5 juillet 2010). Nous avions dénoncé le 6 juillet par une motion intersyndicale ces interventions visant à transformer les agents CCRF en force d’appoint pour le maintien de l’ordre. L’exercice s’amplifie puisque pour la première fois, le personnel CCRF est contraint d’intervenir avec les forces de police dans une manifestation syndicale ou politique. Cela ne s’est pas produit dans les autres villes où il y avait des rassemblements « Nuit Debout ».

Lors de la création de la DDPP et de l’examen par le comité technique local du projet de service établi par l’actuel directeur, la CGT avait déjà dénoncé la confusion entre les notions d’ordre public (mission policière) et l’ordre public économique (mission CCRF). Le projet de service présenté n’évoquait que l’ordre public et jamais l’ordre public économique ! La confusion a donc persisté.

Position des autres organisations :

FO, représenté par des collègues policiers a indiqué comprendre les craintes du personnel de la DDPP devant ces évènements, le statut de policiers ne leur laissant, de leur côté, pas le choix.

La CFDT ne s’est pas exprimée.

Constatant le caractère inconciliable des positions avec la direction, la CGT a demandé la mise au vote d’un vœu par le CHSCT.

Vœu :

«  Le CHSCT considère que la sécurité et l’intégrité des personnels de la DDPP n’est pas assurée dans le cadre des manifestations « Nuit Debout » pour les raisons suivantes : des incidents violents ont provoqué des blessés aussi bien parmi les policiers que les manifestants ; l’insécurité juridique des interventions.
Le CHSCT relève qu’il a fallu la mise en œuvre d’une procédure d’alerte pour que les personnels concernés soient réunis ce jour.
En conséquence, le CHSCT préconise un arrêt immédiat de ces opérations.
 »

Résultat des votes :

Pour : 3 CGT
Contre : 0
Abstentions : 3, soit 2 FO et 1 CFDT
Donc le vœu est adopté.

Suites

Conformément aux dispositions de l’article 5-7 du Décret 82-453, la CGT a fait le constat du désaccord grave et persistant et demandé la saisine de l’Inspecteur du Travail.

Le président du CHSCT, aidé par le représentant de la Préfecture de Police a alors argué qu’il fallait d’abord solliciter les avis des inspecteurs santé et sécurité au travail, dans le cadre de l’article 5-5 du décret de 1982. Une belle manœuvre dilatoire en perspective ! On comprend mieux pourquoi la Préfecture de Police a absolument voulu imposer la présence de son propre ISST dans le fonctionnement du CHSCT, en sus de celui nommé par le Secrétaire Général du Gouvernement.

L’inspecteur du Travail ne partageait pas cet avis et a rétorqué qu’au cas d’espèce, ce n’était pas l’article 5-5 relatif au danger grave qui était applicable, mais l’article 5-7, ce qui impliquait sa saisine immédiate. Elle a demandé que l’ensemble du dossier lui soit adressé, avant de donner un avis.

Le directeur a précisé que les contrôles de Nuit Debout n’étaient pas destinés à durer.

La sagesse voudrait qu’ils cessent. L’emportera-t-elle ? Les enjeux sous-jacents de cette affaire sont évidents. La Cgt continuera à agir pour la défense de l’ensemble des personnels.

Les représentants CGT au CHSCT

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