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Article publié le 22 mars 2011.

Manifestations du 28 avril 2011 : reconnaître la pénibilité est un enjeu pour les salariés du privé et les agents du public

Lors de la réforme 2010 des retraites (loi du 9 novembre 2010) le gouvernement, s’appuyant sur les positions du MEDEF, n’a pas voulu prendre en compte la pénibilité du travail. Aucune ouverture sur l’organisation du travail, la pénibilité de certains postes : le seul engagement est la prise en compte d’un aspect médical pour constater un taux d’incapacité du travail.

Autrement dit, les employeurs privés et publics ont le droit d’exposer les salariés et les agents à un travail qui dégrade la santé : c’est cynique et inacceptable.

La pénibilité résulte de sollicitations physiques et psychiques, liées à certaines formes d’organisation des activités professionnelles. Elles entraînent une usure prématurée et irréversible de la santé.

La Santé, ce n’est pas l’absence de maladie, ni un état stable, c’est au contraire un équilibre instable, en pleine et permanente construction, sur le lieu de travail, au travers du travail, avec les autres.

L’organisation du travail structure, organise et gère en permanence le rapport plaisir/souffrance au travail. Loin d’être neutre l’organisation du travail organise, produit et détermine les relations sociales liées du travail. Elle n’est pas le fruit d’une technique sans idéologie, mais l’organisation du travail est un instrument de « formatage  » idéologique et social.

A nous de nous en saisir pour redéfinir un environnement de travail qui respecte l’intégrité physique, mentale et sociale. Luttons pour obtenir les moyens de négocier l’organisation de notre travail, de réelles marges de manœuvre dans le dialogue social, pour donner du sens à notre travail, pour obtenir sa juste reconnaissance.

Les négociations et la lutte collective doivent supprimer tant que possible l’usure au travail.

La CGT a obtenu des avancées significatives au travers d’accords signés : Mais le combat n’est pas fini et la lutte va amplifier :

 Accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 qui porte sur le Stress au travail

 Accord du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail

 La loi de réforme des retraites 2010 contraint les entreprises de plus de 50 salariés à passer « un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité », sous peine de sanction financière d’au maximum 1% de la masse salariale. Des accords sur la reconnaissance de la pénibilité ont été signés comme dans les régimes spéciaux en 2008, ou dans l’industrie chimique (SNECMA en 1996, Rhôdia, Akéma juillet 2010, dockers février 2011,…). Des négociations sont en cours dans diverses branches.

 Dans les Fonctions publique territoriale et d’Etat les CHSCT (comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) remplaceront les CHS au 1er janvier 2012. Leurs compétences sont élargies et l’employeur a, en termes de santé au travail, une obligation de résultat. Cette avancée permettra de prévenir l’altération de la santé des agents/salariés en prenant en compte la dimension préventive, l’organisation et les conditions de travail. Notre santé au travail nous appartient.

Le droit à la santé au travail est en enjeu de santé publique dans le secteur public ou privé.

Les CMR provoque aujourd’hui plus de 350.000 cancers dont seuls 6% sont déclarés en rapport avec le travail.

Sont considérées comme agents CMR, au sens de l’article R 4411-6 du code du travail : Cancérogènes (C) : les substances et préparations qui, par inhalation, ingestion ou pénétration cutanée, peuvent provoquer un cancer ou en augmenter la fréquence ; ou/et
Mutagènes (M) : les substances et préparations qui, par inhalation, ingestion ou pénétration cutanée, peuvent produire des défauts génétiques héréditaires ou en augmenter la fréquence ; ou/et
Toxiques pour la reproduction (R)  : les substances et préparations qui, par inhalation, ingestion ou pénétration cutanée, peuvent produire ou augmenter la fréquence d’effets nocifs non héréditaires dans la progéniture ou porter atteinte aux fonctions ou capacités reproductives.

Dans de trop nombreuses entreprises et établissements, la prévention des risques est insuffisante. La CGT constate tous les jours dans des entreprises et des administrations des obligations réglementaires non-respectées, des dispositifs de ventilation obsolètes ou mal entretenus, des salariés exposés à des produits dont ils ne connaissent pas les dangers, des médecins du travail qui peinent à obtenir les fiches de données de sécurité des produits comme les fiches d’expositions des salariés, des poussières, des fumées, des vapeurs, dont personne n’a évalué la dangerosité, et la fourniture d’équipements de protection individuel comme unique et illusoire rempart à l’exposition.

Les risques psycho-sociaux (RPS) :

La CGT demande une prise en compte effective des conditions de travail avec une responsabilité effective de l’employeur en termes de prévention : Les risques psycho-sociaux constitués par les différentes formes de violence au travail, y compris celles inhérentes à l’organisation et à la réalisation du travail, sont en réalité des risques sociaux organisationnels. Ils génèrent chaque années plusieurs milliards d’euros de dépenses qu’il serait possible d’intégrer dans la prévention, afin d’adapter le travail à l’homme, et non l’inverse.

Lutter contre la pénibilité c’est aussi lutter pour le respect des droits élémentaire liés à l’organisation du travail

 32 heures maximum pour le travail posté, de nuit, pénible et dangereux

 Durée maximum hebdomadaire : 42 heures

 Amplitude maximum quotidienne : 10 heures

 Temps travail maximum quotidien : 9 heures

 Travail de nuit : entre 21 heures et 7 heures

 Repos minimum quotidien entre 2 prises de travail : 12 heures

 Heures supplémentaires : 117 heures annuelles avec un maximum mensuel de 20 heures par mois

 Repos compensateur de 50% au delà de 38 heures

 Deux journées de repos consécutives par semaine

La CGT revendique une amélioration de la réparation liée aux accidents du travail et aux maladies professionnelles

Le fait de couvrir le manque à gagner est insuffisant, il faut plus de justice sociale, avec une rapidité de mise en œuvre des droits à réparation, une simplification des procédures juridiques. Il faut favoriser la prévention en rendant plus coûteuses les mesures de réparation et en garantissant un véritable accompagnement de la victime.

La réforme des retraites maintient la reconnaissance collective de la pénibilité dans le public mais la refuse dans le privé

Dans le public la prévention de la pénibilité est encore insuffisamment prise en compte par les employeurs publics. La mobilisation des personnels pour la faire reculer est nécessaire pour l’ensemble des agents, quelque soit le domaine d’activité, pour les fonctionnaires « sédentaires » comme pour les « actifs ».
Cependant aucune prévention n’arrivera à éliminer les conditions de travail pénibles dues aux impératifs de service public (travail de nuit ou alterné, lieux fermés, dangerosité, contact avec des substances dangereuses,…). C’est pourquoi existe le « service actif » pour certains fonctionnaires.

La réforme 2010 des retraites a conservé «  le système de reconnaissance collective de la pénibilité dans la Fonction publique, le service actif  », selon l’expression de Tron et de Woerth aux trois Conseils supérieurs de la Fonction publique. Le service actif permet un départ anticipé en retraite de 5 ans, sous certaines conditions, au titre des «  emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles  ». Un décret en Conseil d’Etat classe le corps ou le cadre d’emplois en catégorie active soit pour l’ensemble des agents (policiers, pénitentiaires,…), soit selon la filière (« surveillance  » pour les douaniers), ou les fonctions exercées (« contact direct et permanent avec les malades  » dans les hôpitaux). Le dispositif de reconnaissance collective de la pénibilité dans la Fonction publique en 2009 a concerné 27.000 départs en retraite, sur 115.000 pour les fonctionnaires civils, soit un quart des départs. Ce qui est très supérieur aux 10.000 départs anticipés pour les salariés du privé prévus par Woerth en juin 2010.

Pour le privé, persistant dans son cynisme, le gouvernement publie un projet de décret sur la pénibilité qui durcit les conditions énoncées dans la loi et individualise la reconnaissance de la pénibilité. Seules les personnes lourdement atteintes physiquement par les conséquences d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle (AT/MP) pourront partir à 60 ans. Il faudra donc justifier d’un taux d’incapacité de travail d’au moins 20%, dont 10 % relevant d’un seul et même AT /MP. Il n’y a pas de cumul possible des taux, et il faudra avoir été exposé durant 17 ans à des conditions de travail pénibles. Une commission pluridisciplinaire, sans représentants des salariés, sera chargée d’accepter ou de refuser l’entrée dans le dispositif, ce qui laisse la place à l’arbitraire.

Le gouvernement refuse de prendre en compte les conditions de travail, l’organisation du travail et la dimension préventive. Cela revient à donner aux employeurs privés l’autorisation d’un taux de casse « des ressources humaines  », sans en assumer le coût qui reste à la charge de la nation. C’est pour cette raison que le patronat a fait échouer en juillet 2008 un accord interprofessionnel avec les organisations syndicales. Campé sur une approche médicale et individuelle de la pénibilité, après plus de 3 ans de négociations, il continue de refuser toutes négociations sur un départ anticipé et refuse de reconnaitre sa responsabilité dans l’organisation du travail, notamment au niveau des conditions de travail. En refusant la prise en compte des conditions de travail, le gouvernement méconnait l’obligation de résultat et la responsabilité pénale des employeurs en matière de sécurité.

Le tribunal correctionnel est compétent pour l’ensemble des travailleurs pour :

 une infraction involontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique d’autrui (art. L 121-3 du code pénal)

 la mise en danger grave, immédiate et délibérée d’autrui en cas de violation manifestement délibérée d’une règle de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou par un règlement (art 223-1 du code pénal )

Une reconnaissance collective dans le public comme dans le privé

La coexistence de deux systèmes de reconnaissance de la pénibilité, un individuel et un collectif, n’est pas viable à terme. La CGT revendique pour l’ensemble des salariés du privé une reconnaissance collective proche du système du service actif. La définition de la pénibilité ne se résume pas à une espérance de vie réduite, mais tient compte de l’ensemble des conséquences de l’exposition, de leur caractère durable et irréversible, de la diminution de l’espérance de vie sans incapacité, de la morbidité plus élevée et des atteintes à l’intégrité physique.

L’exposition à un ou plusieurs des 12 critères doit donner lieu à une bonification d’un trimestre par année d’exposition, dans la limite de 5 ans au total pour une carrière complète.

La prévention et la réduction de la pénibilité éprouvée par les salariés est un enjeu majeur. Des accords de branche doivent mettre en œuvre une reconnaissance collective tenant compte de l’appartenance collective à un métier et de la durée individuelle d’exposition.

Pour la CGT il n’est pas nécessaire de bouleverser le système actuel de reconnaissance de la pénibilité dans la Fonction publique, mais de l’améliorer, en maintenant une définition collective, statutaire et règlementaire de la pénibilité.

Les 12 critères définissant les facteurs de pénibilité doivent être repris par un décret couvrant les 3 versants de la Fonction publique, de la même façon que ces facteurs sont définis par un décret pour les salariés du privé. Seule l’importance de la dangerosité, due aux contraintes de service public, comme facteur aggravant de la pénibilité, est une particularité de la Fonction publique.

Les 3 catégories et les 12 critères de la pénibilité : (projet d’accord 2008)

I - Contraintes physiques

1/ Manutention et port de charges lourdes
2/ Contraintes posturales et articulaires
3/ Vibrations

II- Environnement agressif

1/ Exposition à des produits toxiques ….(cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques)
2/ Exposition aux poussières et fumées
3/ Exposition à des températures extrêmes et aux intempéries
4/ Exposition aux bruits intenses
5/ Les rayonnements ionisants

III - Contraintes liées aux rythmes de travail

1/ Travail de nuit
2/ Travail alterné, décalé :
Alterné figurant dans le décret n° 76/404 du 10 mai 1976 précisant la loi de 1975
Le travail posté en discontinu - Travail par relais en équipe alternante
3/ Longs déplacements fréquents
4/ Gestes répétitifs, travail de chaîne, cadences imposées »

La CGT revendique une amélioration des textes régissant le service actif :

Ces 12 critères doivent servir de fondement légal aux décrets particuliers en Conseil d’Etat. Une procédure clairement identifiable, faisant intervenir les partenaires sociaux, doit permettre l’inscription de nouveaux corps pour tout ou partie des fonctions exercées par les agents. La CGT s’oppose à une conception purement individuelle de l’exposition, faisant reposer sur l’agent en particulier les conséquences des errements de gestion de l’administration.

Tous les agents en service actif doivent bénéficier d’une bonification d’un an de durée de cotisation pour 4 ans, pour toute la durée de leur exposition.

Le départ anticipé doit être maintenu 5 ans avant l’âge de départ en retraite, soit 55 ans pour la CGT, ainsi que les situations antérieures plus favorables (départ à 50 ans des policiers et pénitentiaires ayant 25 ans de carrière,…).

La durée de service demandée de 15 ans, et maintenant 17 ans, pour pouvoir bénéficier du départ anticipé, est pousse-au-crime, et contradictoire avec l’obligation de prévention. La CGT revendique le maintien partiel du droit au départ anticipé si l’agent a moins de 15 ans de service actif (départ à 56, 57, 58 ou 59 ans en fonction du nombre d’années passées en service actif).

Dans tous les cas le passage dans un corps dit « sédentaire  », à l’occasion d’une promotion ou d’une réorientation de carrière, doit préserver le droit au départ anticipé. Toutes les catégories doivent être éligibles, alors que la Fonction publique considère aujourd’hui que les agents de catégorie A n’ont plus vocation à relever du service actif.

Ce dispositif rénové doit permettre l’ouverture du droit au service actif à l’ensemble des agents subissant, du fait de la pénibilité du travail (travail de nuit, etc.), des conséquences durables, identifiables et irréversibles, sur la santé et l’espérance de vie sans incapacité. Il n’est pas acceptable que le métier exercé détermine l’espérance de vie, avec des écarts de plusieurs années (par ex. plus de quatre ans pour les agents des travaux publics de l’Etat selon leur ministère).

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