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Article publié le 16 octobre 2023.

CGT Douanes : La victoire au bout d’un long chemin judiciaire !

Un chapitre important vient de s’achever le 27 juin 2023 par l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles. Un chapitre long de 8 années de procédures devant les juridictions pénales et administratives, presque 10 ans après les faits que la victime a subi sur son lieu de travail à la direction générale des douanes à Montreuil.

La Cour de cassation avait clos le volet pénal de cette affaire par sa décision du 31 janvier 2023 de ne pas admettre le pourvoi en cassation formé par le harceleur après sa condamnation en appel le 25 février 2022 à 6 mois d’emprisonnement avec sursis pour harcèlement moral à l’encontre de notre camarade Aurélie.

La Cour administrative d’appel de Versailles vient d’achever à son tour la procédure administrative par son arrêt publié le 27 juin dernier, en annulant la décision de l’administration des douanes du 13 juillet 2015 refusant la protection fonctionnelle à Aurélie et en condamnant l’État à lui verser des réparations pour préjudices à hauteur de 3 000 € notamment pour les conditions indignes de mise au placard qui lui avaient été imposées suite à son signalement. Une somme très modeste qui rappelle que les femmes ne dénoncent pas les situations de harcèlement pour un profit quelconque.

Aurélie peut maintenant tourner une page importante de sa vie, longue de 10 années de souffrances et de doutes, mais aussi de combats et de solidarité. Nous ne dirons jamais assez l’admiration que nous avons pour le courage et la ténacité dont elle a su faire preuve. Et nous sommes également fier·ère·s que notre soutien et notre solidarité aient pu lui permettre d’aller victorieusement au bout de ces obstacles.

Car, face aux difficultés financières inhérentes au coût de la Justice, il ne faut pas oublier que s’ajoute le chemin de croix que représente le recours à la justice et la nécessité en parallèle de reconstruire une carrière professionnelle, Aurélie aurait pu abandonner à deux reprises : après la première décision défavorable de la Cour administrative d’appel de Versailles du 15 juin 2020 et après la décision de son harceleur de se pourvoir en cassation suite à l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 25 février 2022. L’AVFT en 2020 et la CGT en 2022 ont mis en place une solidarité financière exceptionnelle, car nous avions la conviction que les éléments de son dossier étaient de nature à l’emporter au final. La Cour de cassation, le Conseil d’État et la Cour administrative d’appel de Versailles ont confirmé notre conviction. Et c’est bien la solidarité que nous avons mise en œuvre qui a fait échec dans la situation d’Aurélie à la stratégie décidée par l’administration de « l’étouffement financier » de la victime pour la contraindre à l’abandon des procédures.

Certes, la victoire n’est pas totale sur toutes les demandes que portaient Aurélie et son avocate, Maître Marjolaine Vignola, dont nous tenons à saluer ici la qualité de l’engagement aux côtés d’Aurélie.

Le harcèlement sexuel qu’elle a subi n’a pas été reconnu dans la procédure pénale, même si le tribunal administratif de Montreuil, par son jugement du 9 décembre 2016, indique qu’à travers les éléments portés à sa connaissance, « le harcèlement sexuel est établi ». Les diverses indemnisations décidées par les juridictions sont loin de couvrir l’ensemble des frais auxquels Aurélie a dû faire face et qui l’ont contrainte à s’endetter. Sur la bataille menée devant la juridiction administrative pour l’octroi de la protection fonctionnelle par exemple, Aurélie en sera de plus de 8 000 € de sa poche. Pour obtenir ce qui représente un droit en France pour tous·tes les agent·e·s de la fonction publique, il faut donc payer plus de 8 000 euros ! Voilà de quoi laisser songeur sur la capacité de notre ministère à accompagner les victimes de violences !

Pour nos organisations, le travail va se prolonger au-delà de cet aboutissement judiciaire. Et nous allons bien sûr nous appuyer sur les éléments de ces procédures. Nous allons batailler pour que le préjudice subi par Aurélie sur sa carrière professionnelle soit au moins en partie réparé. Ce serait déjà un signe encourageant que l’administration prenne enfin réellement la mesure de ce qui doit être fait en matière de lutte contre les violences. Des excuses de la direction générale sur le traitement - bien éloigné des textes et autres déclarations sur la protection des victimes - qu’elle a fait subir à Aurélie pendant ces 10 années seraient bien évidemment nécessaires et AURELIE Y TIENT légitimement. Dans une administration humaine du pays des droits de l’Homme, soucieuse de faire vivre les valeurs protectrices qu’elle porte, nous ne devrions pas douter qu’après toutes les condamnations pénales et administratives, cette administration reconnaisse enfin ses erreurs et ne manque pas de revenir vers la victime, même si c’est 10 ans après…

Ni Aurélie, ni nous, ne demandons que la directrice générale des douanes batte sa coulpe, surtout pour des erreurs initiées bien avant son arrivée dans la fonction. Mais il est important que ces choses-là puissent être dites simplement à Aurélie, qui, après la reconnaissance de son statut de victime par la justice, attend que son administration prenne acte de cette réalité et la réhabilite sur tout ce qui a été dit et fait contre elle. C’est d’autant plus nécessaire après ces 10 années de disproportion de traitement entre Aurélie et son harceleur. Celui-ci a pu continuer sa carrière professionnelle en douane. Certain·e·s seraient tenté·e·s de vouloir nous apitoyer sur la situation de ce « pauvre homme » qui n’aurait pas pu accéder à tous les postes auxquels il aurait pu prétendre s’il n’avait pas été mis en cause dans cette situation de harcèlement. Mais le constat est implacable : ce que le harceleur a vécu en poursuivant sa carrière de cadre supérieur est bien en deçà de ce qu’Aurélie a dû endurer. Cette discrimination dans le traitement est aujourd’hui renforcée par le fait que le harceleur a bien été condamné par la justice. La justice pénale a reconnu sa responsabilité pour le harcèlement moral lors du jugement de la Cour d’appel de Paris en février 2022, le condamnant notamment à 6 mois de prison avec sursis.

Condamnation rendue d’ailleurs définitive moins d’un an plus tard, en janvier 2023 par la Cour de cassation. Et à ce jour, l’auteur des faits condamné par la justice n’est toujours pas sanctionné disciplinairement par son administration. Rappelons pourtant que dans les textes, discipline administrative et justice pénale ou civile n’ont aucune obligation d’être étroitement liées. Et quand il s’agit d’aboutir sur la discipline, l’administration des douanes sait se montrer magnanime à l’encontre du harceleur, en reportant les échéances afin de le ne pas lui gâcher ses vacances. Aurélie appréciera cette mansuétude au regard de ce qu’elle a pu subir pendant 10 ans ! On peut légitimement se demander si tout agent serait traité de la même façon ?

Et il est enfin à regretter qu’une position plus ferme de l’administration aurait sans doute pu réfréner les ardeurs procédurières du harceleur, l’empêchant de multiplier les saisines des tribunaux. Cela aurait économisé du temps et de l’argent, notamment à nos organisations traînées en vain devant le tribunal de Paris par le harceleur pour un référé en diffamation suite à notre communiqué après le verdict de la Cour de cassation en janvier 2023. Cela l’aurait sans doute aussi refroidi dans ses tentatives de procédures-bâillon, comme il a pu le faire en Polynésie Française.

Enfin, nous allons nourrir notre participation aux prochaines négociations sur l’égalité professionnelle qui s’ouvrent à l’automne à Bercy des nombreuses erreurs commises par l’administration des douanes et le ministère, notamment sur la question importante de la protection fonctionnelle. En matière de violences, la protection fonctionnelle doit être accordée de manière plus systématique que ce n’est le cas aujourd’hui. La question des enquêtes administratives menées dans ce cadre-là se posera également, notamment sur la phase importante du recueil du témoignage de la victime, qui ne peut pas se faire dans n’importe quelles conditions.
Même s’il a coûté très cher à Aurélie sur tous les plans (financier, professionnel, personnel), l’aboutissement victorieux de ce long processus judiciaire doit redonner espoir à nos col lègues qui ont pu ou peuvent encore être confrontées à des situations similaires dans leur travail.

Il faut maintenant que nos ministères, nos administrations, nos établissements prennent la mesure de ce qu’il reste à mettre en œuvre pour concrétiser leur mantra de la « tolérance zéro » sur les violences sexistes et sexuelles et pour satisfaire les 2 axes forts d’une politique juste en matière de lutte contre ces violences : « protéger les victimes et sanctionner les auteurs », en veillant à ne pas inverser les termes de cet adage afin de ne pas « protéger les auteurs et sanctionner les victimes » comme ce fut le cas tout au long du parcours d’Aurélie.

Bien sûr, nos organisations CGT Douanes, Finances et UFSE continueront de conseiller, d’accompagner et de soutenir nos collègues victimes de violences sexistes et sexuelles.

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